L’UNITE DANS LA MULTIPLICITE

L’UNITÉ DANS LA MULTIPLICITÉ

Voilà un thème sur lequel il était indispensable de réfléchir, si on s’intéresse un tant soit peu au monde des “causes”, au monde de la métaphysique. Il éclaire des principes fondamentaux dont l’ignorance ou l’oubli entraînent, par méprise, des considérations erronées, ce qui, par suite, participe grandement à l’élargissement d’une fausse-culture.

Cette expression ” l’unité dans la multiplicité” a été citée et utilisée depuis des siècles et millénaires dans la plupart des cultures. Ce thème bien connu de l’antique sagesse, appartient au patrimoine de l’humanité. Cependant, au cours des âges successifs, les trompettes de l’ignorance ont beaucoup assourdi le cœur du message. C’est pourquoi, j’aborde ce sujet avec cette citation de Sacha Guitry : « Il y a longtemps que ces choses-là sont dites, mais comme personne n’écoute, il est bon parfois de les répéter ».

Commençons donc par le commencement. Comment évaluons-nous les choses qui nous entourent, sur quoi notre conscience s’attarde-t-elle ?

Comme nous vivons accessoirement (et provisoirement) dans le monde de l’espace-temps, et que dans ce monde tout s’évalue en termes de quantité, nous favorisons, de façon quasiment réflexe, cette façon de voir les choses. A propos de n’importe quoi, une maison, une ville, une circonstance ou une personne en particulier par exemple, nous en avons une prime conscience de par sa forme, sa couleur, sa hauteur ou ses gesticulations ; nous pouvons aussi en savoir beaucoup plus en cherchant un peu plus loin et connaître par exemple son poids, le nombre de ses cheveux (chauve qui peut) ou même celui de ses globules rouges ou le nombre d’années passées à circuler sur la planète. Toujours des quantités, des distances mesurables, des nombres, des additions ou des soustractions, bref, il s’agit d’un monde évalué par son apparence physique, le monde privilégié par les sciences qui sont toutes dérivées d’une seule : la physique.

Il est bien entendu facile de comprendre que cette façon d’évaluer les choses est tout à fait appropriée à la vie terrestre ; elle est même indispensable dans les détails de toutes les applications quotidiennes ; de millisecondes en millisecondes on égrène un chapelet de circonstances mesurables ou quantifiables d’une façon ou d’une autre. De même, et cette fois-ci de façon globale, on peut mettre toutes les choses auxquelles nous avons accès dans un fourre tout que nous appelons l’univers.

Depuis l’infiniment petit des micro-particules, jusqu’à l’infiniment grand du confin des galaxies, se déploie dans toutes les directions un monde physique que nous appelons l’univers. C’est une façon de parler, impropre d’ailleurs comme on le verra plus loin, qui tente d’exprimer une unité constituée par une addition d’une multitude de parties plus ou moins dépendantes les unes des autres. Il est dès lors facile de comprendre qu’il s’agit là d’une unité artificielle, d’un simple concept élaboré pour se faciliter l’accès à une conscience globale de tout ce qui existe. Il s’agit ici d’une unité qui résulte d’un assemblage sans lequel elle n’existerait pas d’elle-même.

J’ai dit plus haut que nous vivons accessoirement (et provisoirement) dans le monde de l’espace-temps. Je n’ai fait que résumer ce point de vue généralisé dans tous les courants de l’antique sagesse. C’est un préalable indispensable à toute réflexion à propos de l’existence si on considère que notre vie ne se limite pas à ce seul aspect contingent. Le mot “accessoirement” indique que nous sommes effectivement vivants sur un autre plan dont nous n’avons pas (ou peu) conscience, un plan qui est la cause première et constante de notre parcours terrestre. Le mot “existence” vient du latin “ex stare” qui signifie “se tenir à l’extérieur”; c’est bien l’indication que l’existence est une extériorisation accessoire, une sorte de voyage éphémère qui a sans doute sa raison d’être, mais qu’il ne faut pas confondre avec la Vie avec un V majuscule, qui lui est antérieure, et qui se situe en amont de l’espace /temps.

Là où il n’y a ni espace ni temps, c’est ce que nous allons aborder maintenant.
La première des choses à dire, consiste à se pénétrer de cette phrase d’Aristote : « les choses nous apparaissent pour des raisons qui ne nous apparaissent pas ».
Cela signifie tout d’abord que ce dont nous prétendons parler se situe justement dans ce que n’apparaît pas. Eh bien « Millo Diou », ça ne va pas être facile si ça n’apparaît pas !

Un peu de logique, quand même !
S’il n’y a pas d’espace, il n’y a pas de distance et si donc rien n’est distancié ; tout est donc obligatoirement unifié en un seul “je ne sais pas quoi” ; ce qui est résumé dans cette expression universellement répandue : “Tout est Un et Un le Tout”. En conséquence, si tout est Un en même temps, les différences et distinctions ne peuvent plus se faire en termes de quantités juxtaposées. Ce ne peuvent être que des aspects différenciés qui coexistent en même temps dans un unique Tout (ou un unique ”Rien du tout » qui remplit les mêmes conditions). Bon ! cette dernière parenthèse est juste là pour faire joli…

Continuons !
Des aspects différenciés d’une seule et même chose, ce ne sont plus des quantités, ce sont des qualités. Chacun des aspects se qualifie par un certain nombre de paramètres qui lui sont propres. La diversité des différents aspects d’une seule et même chose donne l’apparence trompeuse d’éléments distants les uns des autres qu’on pourrait dénombrer. C’est évidemment exactement le contraire : une seule chose unifiée dans de multiples qualités. (on se souvient, par exemple, d’un seul Dieu en trois personnes)

Ne lâchons pas le morceau, c’est maintenant que ça devient intéressant !

Commençons par ce remarquable éclairage d’Epictète :

Une est la lumière du soleil, bien qu’elle se laisse séparer par des murs,
des montagnes et mille autres obstacles.
Une est la substance universelle, bien qu’elle se sépare en combien
de milliers de corps particuliers.
Un est le souffle vital, bien qu’il se sépare en des milliers de natures
et de particulières délimitations.
Une est l’âme intelligente, bien qu’elle paraisse se partager.
Tu peux, à l’heure que tu veux, te retirer en toi-même.

Après avoir pris conscience que tout est UN, je reçois cette suggestion que je peux
quand je veux, retrouver l’unité que je suis par nature. Je ne suis pas une âme
parmi tant d’autres, Non !

Je suis l’ Ame du monde dans une qualification particulière
et, je suis, en ce moment, en train de m’offrir un voyage organisé sur la planète Terre
pour des raisons qui ne m’apparaissent pas en clair, mais qui sont sans doute très bien intentionnées.

Bon ! A part ça, comment allez-vous ?
– Ça va très bien, merci et vous ?
– Si j’ai bien compris, au niveau de l’existence, il y a Toi, Moi, Eux, Nous etc. et ainsi de suite, mais au niveau de l’être il n’y a pas de séparation. Alors…
– OK, Je suis Moi, je suis Toi, je suis Nous, je suis Tout…
– Allez dire ça à votre voisin de palier, il téléphone tout de suite au SAMU !

Et pourtant, écoutez celui-là aussi :
Mon Dieu, si je n’existais pas, vous non plus n’existeriez pas
puisque moi, c’est vous, avec ce besoin que vous avez de moi.
Plus tu connaîtras Dieu, et plus tu sauras que
tu es incapable de lui donner un nom.
(Angelus Silesius)

Il est évident que l’unité dans la multiplicité est une chose dont on peut timidement s’approcher à l’aide de la raison, mais pas beaucoup plus. La façon dont nous percevons les choses à partir de notre dimension corporelle n’est pas appropriée pour appréhender l’unité fondamentale. Une approche théorique n’est peut-être pas indispensable, mais certaines personnes (dont je fais un peu partie), aiment bien commencer par là. Après tout, on fait avec ce qui nous est donné (je dis bien :”ce qui nous est donné”, et j’ajoute “avec le plus grand soin et le plus grand Amour du monde”).

Oui ! c’est valable pour vous aussi Madame !
Imaginez un épisode amoureux dans une autre vie, ou à cent mille années lumières et que venant vers vous je vous prenne dans mes bras, que j’aille respirer vos petits cheveux bouclés dans votre cou, que je prenne votre fesse gauche dans ma main droite, juste en épousant ce petit pli que j’aime tant ; imaginez que je vous murmure dans un souffle quelque fariboles au creux de l’oreille et que, vous redressant d’un air faussement pincé, vous me rétorquiez : “Mais enfin, Monsieur, est-ce bien convenable ? de pareils évocations un Vendredi Saint (à supposer, bien sûr que ça tombe à cette période), mon Dieu, mon Dieu que fait la police ?

Eh bien là, Niagara Falls ! Cet instant suprême s’inscrit dans l’éternité.
Une étroite complicité rieuse et : Nous étions deux, nous ne sommes plus qu’un.
Tout ce qui vous a amené à saisir cet éveil de la conscience dans l’Unité retrouvée, est impliqué. Je dis bien Tout ce qui a précédé et même suivi ! Y compris les loupés, les égarements, les intermittences, les chausses-trappes, les confusions, les malentendus, les éloignements et sursauts intempestifs. Oui Tout, absolument tout, ne changeons surtout rien, c’est un « nec plus ultra » d’une vie qui nous a été servi sur un plateau, juste pour un court instant au parfum d’éternité.

S’il y en a qui croient que j’exagère, qu’ils réfléchissent un peu. Dans la traversée d’une vie, si l’on conçoit que tout ce parcours doit bien servir à quelque chose, qu’est ce qui pourrait surpasser ce moment suprême où deux âmes retrouvent ensemble leur unité originelle ?

Dans la multiplicité, c’est l’amour qui rétablit notre unité primitive, lui seul !.


Je n’ai plus rien à ajouter à cela.

Que la Lumière soit !