CLOTILDE

Le dieu de Clotilde

Voici un article qui surgit par inadvertance à la suite d’un enchaînement d’association d’idées qui se sont imposées d’elles-mêmes et à mon insu. Il est vrai qu’en ce moment je tournicote pas mal dans le jeu des idées, mais, même si je suis familiarisé avec les coïncidences et ces évènements qui semblent tomber du ciel, je ne peux pas m’empêcher d’être émerveillé quand l’invisible me fait un clin d’œil.

C’est ainsi que j’ai vécu hier une suite de circonstances qui tombent très exactement à l’appui de mes quelques articles précédents ; on dirait que quelque chose avait envie de me projeter in vivo dans ce que j’ai osé envisager ! Quand je vois le “vivant” s’installer et animer ce qui pourrait ne rester que lettre morte, je souris à qui-sait-quoi et je me sens heureux. C’est facile de repérer les réponses du corps quand on lui fait quelque chose, mais c’est moins évident de percevoir les réponses de l’âme quand on s’occupe d’elle. Les réponses se font le plus souvent par allusions, métaphores, symboles, analogies, associations d’idées et correspondances mystérieuses entre des perceptions dont on ne voit pas bien le rapport qu’elles ont entre elles.

Je le rappelle encore ici : quand viennent ces moments un peu bizarres où l’on ne sait plus très bien comment interpréter les choses, c’est le moment de faire appel à cette autre forme d’intelligence qui est supérieure au mental et à la raison. Je veux parler de ce qu’on appelle souvent l’intuition pure, cette forme d’intelligence naturelle déjà disponible chez les petits-enfants, qui est une sorte de communication directe avec l’invisible, mais qui reste généralement imperceptible et peu ou pas accessible du tout à la conscience. Il semblerait que la seule façon d’y parvenir un tant soit peu se trouve précisément dans un état d’abandon à toute question, un état aussi simple qu’évident, un état serein de confiance absolue, un état qui accepte tout sans réserve et qui reçoit ce qui vient et comme ça vient, sans même demander quoi que ce soit. Les ignorants prennent cet état de “simple en esprit” pour celui d’un idiot.

C’est ainsi que cet état de réceptivité particulière peut s’accompagner dans le monde sensible de sensations internes capables de traduire, à l’aide d’émotions, certains aspects du monde intelligible. Bien que le monde des émotions soit le plus souvent trompeur, il n’en reste pas moins qu’il peut aussi exceptionnellement servir de pont entre les deux mondes.

Cependant, je le répète : que les émotions puissent traduire une communication effective entre le sensible et l’intelligible, oui parfois ; mais attention à cette contre-culture qu’on rencontre partout et qui répand ce contresens fondamental qui confond hypnose (ou sommeil) et éveil. Les émotions consécutives à un état d’hypnose (qui est une forme d’état de sommeil), sont diamétralement opposées à celles pouvant surgir d’un instant d’éveil de la conscience. L’inconvénient c’est que ce sont des émotions dans les deux cas et que donc elles se ressemblent. Bien que ce ne soit pas le sujet de cet article, je crois devoir glisser en passant, cette incitation à la prudence pour des foules de braves gens qui sont égarés dans cette forme d’obscurantisme. Mais oublions cela, j’ai à parler de tout autre chose !

Le déclencheur
J’étais, l’autre jour, assoupi dans un fauteuil, et j’entendais distraitement une conversation qui se faisait à quelques pas de là. On parlait de la naissance d’une petite fille et du prénom que les parents avaient choisi. C’était un prénom rare que je ne connaissais pas, peut-être un prénom étranger, je ne sais pas. En tout cas, cette circonstance m’a renvoyé à un vieux souvenir qui doit dater d’un demi-siècle et que racontait ma mère.
Lors de la naissance d’un de ses petits-enfants, elle avait été chargée d’aller le déclarer à la mairie. Les parents avaient choisi de l’appeler Frank. Quand l’employé de l’état civil s’aperçut qu’il était orthographié à l’américaine avec un K, il dit qu’en France il devait être rigoureusement français et que pour conserver ce prénom il fallait l’appeler François ou à la rigueur mettre un C à la place du K. Vous parlez d’un gros malin ! Il avait même ajouté qu’on n’avait droit qu’à des prénoms français ou, à la rigueur à des noms d’hommes Français célèbres, comme Hugo par exemple, qui pouvaient exceptionnellement tenir lieu de prénom.
Ma mère, qui avait la répartie facile, lui répondit du tac au tac que, dans ces conditions, on pourrait tout aussi bien l’appeler Vercingétorix. Placé devant cette hypothèse aussi inattendue que saugrenue, le brave fonctionnaire se figea dans une sorte d’arrêt-sur-image, ne sachant plus si c’était du lard ou du cochon. Alors ma mère, qui savait rire intérieurement sans le laisser paraître, continua sur sa lancée et ajouta : « ou bien Clovis, ce fier Sicambre, qui, après tout, fut le premier roi des Francs”. À ce moment-là, notre préposé à l’état civil se sentit brusquement mal embarqué et il prit immédiatement la première porte de sortie à sa portée : il accepta prudemment d’inscrire le prénom tel qu’on l’avait choisi.

Projection
Toujours sommeillant dans mon fauteuil, et alors que je souriais au souvenir que je venais de faire émerger de mon lointain passé, voilà qu’en relation avec les personnages qui avaient été évoqués, je fus projeté dans les années 50 où dans le cartable de tous les écoliers il y avait le livre de l’histoire de France. Je me suis aussitôt souvenu de ces deux phrases légendaires que tous les enfants connaissaient à propos de Clovis.
La première est une invocation au ciel faite par Clovis pour être aidé dans son combat contre les alamans (futurs allemands) qui voulaient envahir la France :”« Dieu de Clotilde, si tu me donnes la victoire, je me ferai chrétien. ». La deuxième est cette injonction que Rémi, évêque de Reims, adressa à Clovis le jour de son entrée en chrétienté :” « Courbe la tête, fier Sicambre, adore ce que tu as brûlé, brûle ce que tu as adoré. ». Tous les petits Français connaissaient l’expression “ fier Sicambre” sans même savoir que Sicambre était tout simplement le nom d’une ethnie de Francs.
À propos de ces deux citations, on se souvient que Clovis était issu de peuplades barbares et païennes et qu’à la suite de cette conversion il fut le premier roi de France et que la terre de France devint chrétienne de façon définitive. Par la suite, Rémi devint saint Rémi et Clotilde devint sainte Clotilde.

Boum !
A la suite de ces réflexions, j’ai, tout d’abord, balayé d’un rapide revers de main le marchandage puéril que Clovis s’était permis de faire avec le divin ; j’ai attribué cette façon de faire au mode légendaire en vigueur à l’époque. Il me restait dès lors de cette phrase, que ce seul point de mire :”Dieu de Clotilde”.
Et, à ce moment précis, Boum !
Oui, boum!, il n’y a pas d’autres mots. J’ai été saisi d’une très puissante émotion surgissant de qui-sait-où et qui s’est déployée avec le sentiment d’une infinie Présence faite d’Amour et de Lumière.
Qu’est-ce que c’est que ce truc là, aurais-je pété un fusible ? On ne sait jamais, par les temps qui courent, toutes sortes de virus du délire, extrêmement contagieux, se promènent partout. De plus, j’ai tendance à surveiller le “ trop beau pour être vrai” qui permet de calmer, le temps qu’il faut, les exaltations abusives, pour pouvoir soupeser les choses avec un minimum de lucidité et trier avec intelligence ce qui est, sans doute, à prendre ou, sans doute, à laisser. Je précise “sans doute” dans les deux cas, car je rappelle que, si la prudence est la première de toutes les vertus cardinales, c’est qu’il est évident que notre conscience navigue dans un environnement essentiellement illusoire ; seuls les ignorants affirment à tour de bras.

Clotilde
Mais enfin, pourquoi cette réaction. qui est cette Clotilde

Qui provoque en moi une telle explosion de félicité. Je ne connais personne qui s’appelle Clotilde, quant à la Clotilde de Clovis, elle a vécu il y a bien longtemps, il y a environ 1500 ans, je ne sais pratiquement rien d’elle si ce n’est qu’elle était très pieuse et bonne chrétienne et qu’elle fut la première reine de France.

Je suppose que ma Clotilde à moi, celle que j’ai imaginée, est sans doute très différente. Au plan de l’analogie, j’ai quand même à l’idée que si la Clotilde de Clovis fut son inspiratrice pour s’adresser au monde supérieur, il est fort vraisemblable que ma Clotilde à moi assure la même fonction.
Je rappelle en passant ce que j’ai exprimé à propos de l’ange gardien, en sa qualité d’intermédiaire entre les deux mondes.
Par ailleurs, quand je m’en fais une représentation imaginaire, je vois une jeune fille en tenue moyenâgeuse ; elle est aussi gracieuse que jolie et empreinte d’une infinie douceur qui émane d’un visage lumineux où l’on peut lire la bonté, le bien, le vrai, le beau, le juste et parfait.
C’est ainsi que s’établit avec cette image de Clotilde une représentation symbolique de la sublime perfection qui me plonge dans l’admiration, qui me rassure et qui m’attire.

Voilà donc cette Clotilde qui est la seule qui m’importe pour le moment !

Le dieu de Clotilde
Clotilde est devenu pour moi, ce passage, cette voie d’accès, cette porte qui s’ouvre sur la grande lumière, là où se trouve le dieu de Clotilde. Le divin ( ou la déité ) peut s’exprimer de 1000 façons, mais il y aura toujours une connotation particulière pour donner une apparence à ce qui ne serait, sans cela, qu’une réalité abstraite que la conscience aurait du mal à discerner.

C’est ainsi que dans ce cas particulier, le dieu de Clotilde qui est aussi l’inventeur, l’auteur, ou le créateur de Clotilde, m’est apparu comme un arrière-plan flamboyant qui dessine dans l’immensité la version idéalisée et originelle de Clotilde.

Et maintenant…
Et maintenant, Clotilde est devenue pour moi une des entrées possibles en direction de l’invisible, une parmi d’autres (du moins, cette Clotilde-là). J’ai voulu dans cet article montrer comment à partir de quelque chose d’apparence ordinaire on peut parfois décrypter une autre chose de très grande valeur qui nous est adressée par des voies bien mystérieuses.

Je ne sais pas pourquoi ce passage ou Clovis s’adresse directement au dieu de Clotilde m’a touché aussi profondément. Je ne le sais pas et cependant ça s’est produit. J’aurais pu aussi banaliser cet événement, et cependant je ne l’ai pas fait.

Ce n’est pas à Dieu que Clovis s’est adressé, c’est au dieu de Clotilde et c’est ce qui, selon moi, fait toute la différence. Ce dieu-là n’est pas entièrement invisible. Il contient tout l’Amour de monde ; Il se dessine dans l’infinitude sous l’influence d’un amour terrestre, plus accessible, celui-là ; L’amour de Clovis pour sa Clotilde, peut-être, ou bien le mien qui s’est déployé vers la représentation d’une Clotilde parée de tous les dons du ciel.

Et si j’osais…
Si j’osais, j’irais lui parler directement au dieu de Clotilde et j’aurais, sans doute
à exprimer ceci : “ …………………………”. Je pense que ce serait très suffisant.
Je ne peux pas l’écrire en clair, non pas par cachotterie, mais tout simplement parce que c’est incommunicable par nature. Le “sacré” est obligatoirement “secret” sous peine de profanation.

Par contre, rien ne m’empêche d’envisager une nouvelle représentation symbolique empruntée au monde de la chevalerie du temps de Clovis et de m’imaginer avancer vers le dieu de Clotilde, de poser ensuite un genou à terre, puis de piquer au sol la pointe de mon épée, et enfin de la tenir verticalement par son pommeau en forme de croix latine. Je crois que sans une seule parole, je lui communiquerais ma totale allégeance qui pourrait signifier, par exemple, que je suis prêt à le suivre pour que “sa volonté soit faite”, et que je suis prêt à aimer tout ce qu’il aimera me faire vivre, et même à aimer ce qu’il aimera ne pas me faire vivre ( comment dire cela autrement à l’Amour absolu qui, par définition, ne sait ou ne peux pas “ne pas aimer”. Ceci, n’en déplaise à certaines doctrines qui envisagent des dieux tout aussi directifs, vengeurs ou colériques que le premier venu rencontré au coin de la rue).

Encore une fois et comme je le dis souvent, chacun son truc.

Pour ma part, il m’arrive de jouer à la clarinette un morceau de Sydney Béchet qui s’appelle “Passport to Paradise” .

Je crois que cette incursion avec le dieu de Clotilde portrait bien ressembler à ce
fameux passeport…