Comme nous sommes tous des multiples expressions d’une même source, il y a par définition une fraternité logique et par nature ; si bien que le regard que l’on destine à d’autres, s’applique aussi à nous-mêmes. Que nous en soyons conscients ou non, toute intention vers quelqu’un d’autre (bienveillante ou malveillante) se retourne par effet miroir sur soi-même et nous affecte d’une façon ou d’une autre. « L’oeil est la lampe du corps », disait Jésus, rend compte de cette constante ; l’éclairage et ce qui est perçu sont interdépendants.
C’est ainsi que le regard des amants qui voit le beau sur l’autre rend compte d’une source d’éclairage qui est belle elle-même. C’est toute la magie de l’amour qui prend sa source dans l’instance la plus belle de nous-même, l’âme. Notre âme est ce prolongement individuel de l’Ame universelle et son éveil à la conscience peut s’opérer dans ces moments d’exception où les amants mêlent leur souffle, leurs baisers et leur caresses sous l’influence du divin qui devient ainsi perceptible par reflet. Circulant et réflectif, le Principe créateur divinise ses créatures qui incarnent dans leur chair la divine Présence.
Nous l’avons dit, l’Identité suprême est directement inconnaissable car elle est principe de création, mais incréée elle-même. Cependant, les amants peuvent en prennent Connaissance « par procuration », si l’on peut dire. Chacun est chargé symboliquement des attributs de l’Identité suprême, si bien que l’échange amoureux, dans ses modalités psycho-corporelles, est métaphore sur un plan relatif de l’Union avec l’absolu. En se sentant amoureux l’un de l’autre, on perçoit par projection l’événement amoureux de l’Union avec le Divin. Cette perception s’accompagne parfois d’une épiphanie du Divin qui illumine le physique des amants ; un sourire, un regard, un geste sont empreint d’une indicible beauté.
Chacun voit, entend et ressent l’avènement et l’émergence d’une merveilleuse instance oubliée, aussi attirante qu’impressionnante. Cet aspect impressionnant ressemble souvent à un abîme de lumière ; c’est ce qui génère un réflexe de recul, une peur de s’y abandonner. Cette peur de perdre ses repères ordinaires crée souvent un sursaut pour se raccrocher à du connu et un retour à sa vision ordinaire. Combien ne franchissent jamais ce passage ? Le doute intervient, le « trop beau pour être vrai » s’installe, une foule d’arguments de la raison résonnante se bousculent. Une perception éloignée et intellectuelle du divin semble plus confortable qu’une perception vivante au centre de soi-même qui balaye tous les discours. Il y a en chacun de nous les forces de l’habitude qui sont hostiles à cet essor hors de leur domaine. Elles se renforcent et s’érigent en « forces adverses » quand elles rencontrent l’hypothèse de les abandonner. La rationnel combat le supra-rationnel qui n’est autre que la Foi.
Cependant, si on le sait, c’est mieux que si on ne le sait pas. Quand le doute, les peurs, les raisonnements et arguments de fuite interviennent, c’est le signe d’avoir à monter et non pas à redescendre. On peut apprendre à apprivoiser les forces adverses qui freinent de bonne foi croyant nous protéger de la folie, sans réaliser que bien au contraire elles nous y maintiennent. Cette confusion entre le supra-rationnel et l’irrationnel est l’obstacle majeur qui crucifie notre entendement.
Cette Joie amoureuse qui s’éveille dans le sanctuaire formé par deux êtres, cet honneur de recevoir cette proposition du ciel, cet enjeu qui envisage d’emplir son âme d’un trait d’union supplémentaire avec l’Identité suprême, ne seraient-ils pas les instants privilégiés de notre vie terrestre ? Que restera-t-il de celle-ci quand tout sera consommé ? Sans doute seulement, ce qui est immortel et de la nature de l’âme, c’est-à-dire l’Amour.
Pour conclure ce simple clin d’oeil, j’ajouterai que, bien entendu, ces instants de proximité avec l’éternelle Présence ne peuvent que se répercuter sur les autres aspects de la vie et conférer aux amants une sorte de devoir sacré, celui d’aimer ses semblables et de les aider en les aimant de mieux en mieux.
[whohit]Clin d’oeil aux amants[/whohit]