DESTIN

Un point de vue sur le Destin

Au point de vue métaphysique l’existence serait le monde des formes et du mouvement et, par suite, le monde de l’action. Or, les formes nécessitent l’espace et le mouvement nécessite le temps. C’est pourquoi l’espace-temps peut être considéré comme la condition nécessaire et suffisante du monde de l’action, et, par suite, de l’existence. On pourrait, à la rigueur, se demander si l’espace et le temps sont par-devers l’existence et que celle-ci s’y déploie en s’adaptant à cette condition qui préexiste avant elle, ou bien si c’est l’inverse, et que cette condition soit la conséquence du besoin d’action que présuppose l’existence ; mais, connaître l’antériorité de l’oeuf ou de la poule est un débat qui n’a pas pour nous beaucoup d’importance. Par contre, se faire une idée du but de la manœuvre, même si elle ne peut être que partielle et relative, aurait, sans doute, beaucoup plus d’intérêt.

La plupart des grandes traditions indiquent à peu près la même chose, d’une façon ou d’une autre, de façon directe ou indirecte, de façon doctrinaire ou par des présuppositions. Il semblerait que puisque les êtres sont des “ramifications” de l’Être suprême, l’existence des êtres serait le moyen par lequel L’Être suprême éclairerait sa propre conscience. Dès lors, on pourrait penser que le monde de l’action est destiné à éveiller de la conscience dans chacun des êtres qui en font provisoirement partie. Cette conscience grandissante est destinée à devenir connaissance, c’est-à-dire partie intégrante de l’être lui-même.

Or, pour éveiller de la conscience dans un être, il faut bien une stimulation. La matière et les difficultés de la traversée dans le monde matériel, sont précisément une source de stimulations toute indiquée pour éventuellement réveiller ce qui dort. Dans cette optique, les efforts et les souffrances seraient autant de stimuli pour nous inciter (ou nous forcer) à bouger ce qui n’a pas envie de bouger. Nous parlons ici de ce qui préfère somnoler sans rien changer, de ce qui se fixe facilement dans des habitudes stériles pour éviter les moindres remises en cause. Il semblerait que, par l’adversité, il y a dans toute existence un moyen naturel de bousculer cette tendance initiale à l’inertie de la conscience. Cette inertie de la conscience est maintenue par l’illusion. Que ce soit dans le cadre de l’agitation ou de l’oisiveté, peu importe, cette même illusion entraîne ce que dans le bouddhisme on désigne par un sommeil de la conscience ou que dans le christianisme on désigne plutôt par la mort de ce qui devrait être vivant et s’ouvrir.

Par ailleurs, il est hautement vraisemblable qu’il y ait dans tout être vivant une connaissance embryonnaire et enfouie de sa propre raison d’être. C’est pourquoi, tout ce qui déroge ou entre en contradiction avec cette raison d’être, provoque chez l’être humain un certain malaise, une sorte de soif inextinguible, un vide, un manque impossible à combler de façon matérielle. Il n’y a que deux solutions à cette situation : on peut s’abrutir de diverses façons pour oublier et survivre tant bien que mal dans une nébuleuse mortifère, ou bien, on prend son bâton de pèlerin et on choisit de parcourir la vie pour découvrir son enjeu et ce qu’elle a personnellement à nous apprendre.

Ce faisant, on peut facilement se convaincre que l’amour est le lien naturel qui nous permet de contacter notre essence suprême. Sa nature immatérielle témoigne qu’il appartient par nature au monde de l’esprit. Notre dimension animale est, bien entendu, indispensable pour affronter la vie matérielle ; nous sommes donc dotés de tous les attributs nécessaires à la vie terrestre, même si nous héritons aussi des tendances enfermantes de l’animalité. L’amour est précisément la seule instance qui nous distingue de l’animalité et qui nous qualifie pour communiquer avec le monde de l’esprit. C’est pourquoi, en raison de l’ambiguïté de notre double appartenance, nous avons à apprendre à distinguer ce qui appartient au monde de la matière et ce qui appartient au monde de l’esprit.

Certains animaux sont capables d’attachement et d’affect ; quant à l’être humain et, en raison de sa dimension animale, il en est capable aussi. Cela constitue un premier degré de l’attirance vers les autres ; c’est un degré fondé sur des paramètres psycho-corporels purement instinctifs et terrestres. Mais par contre, seuls les êtres humains sont capables d’amour, c’est-à-dire capables d’un sentiment animé par l’esprit. Il s’agit là d’une ouverture de la conscience sur un plan supérieur, un plan inaccessible à l’animal, une ouverture au niveau de l’âme. L’âme est cette mystérieuse dimension individuelle de l’esprit d’où vient le mot amour. C’est précisément à partir de cette ouverture que commence véritablement le parcours vers la Connaissance ; un parcours depuis l’aspect individuel de l’esprit en direction de sa dimension universelle.

L’usage constant fait que nous utilisons indifféremment le mot amour pour parler des diverses nuances de ce qu’il est censé désigner. C’est une source de confusion que les Grecs avaient quelque peu estompée en séparant par trois mots différents ce qui est d’ordre corporel, ce qui est d’ordre psychique et ce qui est d’ordre spirituel (respectivement : Eros, Philia, Agapê). Sans insister davantage sur ce sujet qui nous mènerait trop loin, nous en venons à l’objectif de l’étude que nous proposons dans le stage « Destin ».

En effet, ce qui précède semble démontrer que notre existence n’est pas un évènement fortuit, aléatoire et sans objectif particulier, comme se le figurent les matérialistes convaincus. C’est pourquoi, nous préférons considérer que, bien au contraire, l’existence de chacun a, sans doute et par simple logique, sa propre « raison d’être » ; une raison d’être spécifique, précise et unique ; quelque chose d’intentionnel qui nous dépasse.

Notre parcours terrestre semble comporter « en filigrane » un destin mystérieux, masqué par les apparences du monde sensoriel. C’est ainsi que si l’existence est un moyen de se pénétrer, « en passant », de certaines données essentiellement inconscientes, on peut supposer que, quels que soient nos choix de vie, ce destin d’arrière plan sera accompli quand « tout sera consommé » . Cependant, ce sera de gré ou de force selon que nos choix de vie seront dans la trajectoire pré-définie ou s’en éloigneront.

Ce point de vue est largement partagé, et sous diverses formes, par l’authentique sagesse des diverses traditions. Mahomet, par exemple, dit : « Chacun trouve la facilité pour ce pour quoi il a été créé », indiquant par là qu’il y a en chacun un « ce pour quoi » individuel, et qu’il y a aussi une instance inconsciente qui favorise et facilite ce qui va dans le bon sens. On retrouve ce genre d’éclairage dans, par exemple, toutes ces recommandations vers l’idée de retrouver le regard d’enfant ; « le royaume des cieux leur appartient » dira Jésus ; c’est dire qu’ils sont naturellement plus proches de cette fameuse instance inconsciente qui facilite les choses.

Le stage que nous proposons, a pour objectif de permettre aux participants de s’interroger personnellement et utilement sur ces questions. Le différents exercices ont pour but de percevoir des indications contenues dans les expériences passées, mais aussi d’envisager des hypothèses pour entrer dans les voies porteuses d’un destin soutenu par notre raison d’être.