L’état amoureux

L’autre jour, en revenant de Saint Girons, je m’étais arrêté pour téléphoner lorsqu’en repartant j’aperçois un jeune garçon et une fille qui faisait du stop. Ils s’embrassaient joyeusement, les yeux brillants d’amour. Je leur ai proposé de les porter, et comme ils me remerciaient en montant dans la voiture, je leur ai dit : « Non, ne me remerciez pas, c’est moi qui vous remercie. Vous êtes amoureux, et vous me faites l’honneur de transporter ce qu’il y a de plus précieux dans l’existence et de profiter un moment de cette influence… » . C’est ce qui m’a donné l’idée de ce petit article.

L’état amoureux peut être le support d’une ouverture spirituelle. Ce n’est, bien sûr qu’une possibilité, et qui plus est ce n’est pas la seule.

 

Quiconque a vécu l’état amoureux sait de quoi je veux parler ; ne serait-ce que de façon fugitive quel que soit ce que c’est devenu par la suite. Je veux parler, bien sûr, de moments où cet état fut réciproque et partagé avec la personne aimée.

 

Par ailleurs, de nombreux saints, saintes, bienheureux ou éveillés de tous les continents ont exprimé leur état de proximité à la présence divine comme un état amoureux. Je soupçonne même que ceux qui ne l’ont pas dit ainsi ont simplement évité d’employer cette expression pour ne pas générer de trop faciles confusions chez ceux qui sont encore dans l’obscurité.

 

Il semble donc que l’état d’éveil est apparenté à l’état amoureux. La seule différence est que dans le premier cas il y a essentiellement projection individuelle et dans le deuxième cas il y a essentiellement projection universelle. Cependant dans les deux cas, il s’agit d’un état par reflet de l’Etat divin. Pour s’en convaincre, il suffit de considérer qu’on ne peut pas le provoquer volontairement, il arrive comme une grâce venue mystérieusement d’instances supérieures.

 

Dans ces conditions, le « fluide » constant qui traverse et conditionne tous les êtres vivants du monde manifesté confère à l’être humain la possibilité de prendre conscience de cette capacité. Il est vraisemblable que tous les êtres vivants en disposent, ce n’est qu’une question de proportions. Ce sont d’ailleurs ces proportions qui qualifient l’expression psycho-corporelle de telle ou telle espèce. Tous les êtres se répandent et s’expriment à partir d’une seule et même source ; « L’unité dans la multiplicité » selon cette formule mainte fois répétée dans les diverses traditions ; unité de principe dans une multiplicité d’expressions. J’indique ici simplement que l’expression divine sous forme humaine nous confère une conscience capable de prendre acte de la Présence invisible d’une cause supra-humaine qui alimente en permanence notre condition.

 

En d’autres termes, on pourrait se représenter les choses comme si chacun était sur l’une des multiples ramifications d’un courant continu issu de l’Amour absolu du monde de l’Esprit (le Père ou la Mère universelle). Ce courant descendant pouvant ensuite servir de voie pour remonter en sens inverse et élever progressivement une conscience remontant vers la source. Même s’il est évident que ce que nous pouvons connaître de l’Amour absolu ne peut nous parvenir que par reflets, on peut quand même convenir que, selon notre degré de spiritualité, les reflets sont plus ou moins proches du modèle.

 

Ainsi, me semble-t-il, l’état amoureux qui survient d’aventure, pourrait être une sorte d’appel du pied (si je puis dire) d’une instance inconsciente plus proche de la Source, qui nous invite à éclairer cette zone jusque-là inconsciente. Cette attraction amoureuse pourrait dés lors être un premier reflet vécu au niveau psycho-corporel, mais un reflet capable de ne pas en rester là, et d’éveiller à son tour une conscience d’ordre spirituel. C’est ainsi que l’état amoureux de l’Eros, peut en rester à ce stade, certes, mais il peut aussi être un piédestal qui permet d’atteindre l’état amoureux de l’Agapê. Je rappelle ici que l’Eros représente l’amour individuel et l’Agapê l’Amour universel.

C’est ainsi que deux êtres partageant un état amoureux peuvent s’en réjouir un temps, puis le verront s’atténuer et se transformer, c’est le cas le plus fréquent. Mais il peuvent aussi s’en saisir comme d’une occasion rare et précieuse et laisser libre cours à ce qui a été initialisé pour s’ouvrir à des perceptions plus universelles qu’individuelles. C’est comme s’ils se rendaient le service mutuel de faciliter un éveil de leurs identités respectives en direction de l’Identité Suprême. Même une relation de courte durée peut ainsi illuminer toute une vie d’une nuance particulière de la Lumière.

Evidemment, le parcours n’est pas une autoroute, c’est plutôt un sentier, parfois fleuri, parfois encombré de ronces, mais sur les ronces on trouve aussi des mûres. Comme toujours, nous ne devons pas perdre de vue qu’en toute circonstance il y a du blanc et du noir. L’ignorer serait une grave erreur. Le savoir permet de rechercher en toutes choses les aspects positifs. La peur du noir active les aspects noirs et renforce la survenance de situations limitantes, la foi dans le blanc active cet autre aspect et renforce la survenance de situations aidantes.

 

Ce principe est aussi simple qu’inévitable. C’est à chacun de le voir s’appliquer dans sa propre vie et d’en tirer un enseignement. « Plutôt que maudire l’obscurité, mieux vaut allumer une chandelle » Confucius.

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