Révolution intellectuelle
Tout d’abord, avant d’entrer dans le vif du sujet, il est bon d’apporter quelques précisions. En premier lieu, il est de fait que je ne m’adresse pas ici à n’importe quel public. Les personnes qui participent à une de mes conférences ou qui vont sur mon blog, sont en majorité des personnes qui sont où seront dans une activité de coaching et d’accompagnement. Mon discours se situe donc essentiellement dans une orientation de développement personnel et exclut toute connotation partisane, politique, religieuse ou autre. Nous n’avons ici aucun clocher à défendre comme des petits soldats. L’objectif est simplement d’apporter quelques idées destinées à entraîner des réflexions pouvant permettre à chacun de se conforter dans son action d’après son propre jugement. Par ailleurs je postule comme je le fais dans la plupart de mes interventions que la Vérité absolue n’appartient à personne ; elle est au-delà des capacités humaines. C’est pourquoi tout ce que nous disons est relatif, local ou provisoire.
L’hypothèse d’une grande révolution intellectuelle semble avancer à grands pas. Il se pourrait que cette pandémie entraîne par voie de conséquence l’occasion, tant attendue, d’un grand réveil des véritables facultés supérieures des êtres humains. Nous disons bien “véritables” en ce sens où, depuis des lustres, on tient pour supérieures les seules facultés intellectuelles utilitaires que l’on mesure avec le QI, en oubliant complètement une toute autre dimension qui confère à l’être humain sa véritable valeur. De nombreux philosophes se sont exprimés sur ce sujet essentiel relégué aux oubliettes par un monde devenu à ce point matérialiste, qu’il ne sait même plus distinguer les véritables sources du bonheur.
Disons deux mots à propos de l’intellect : Pour Aristote, par exemple, “… l’être humain semble posséder en soi plus que la forme de son corps ; il y a dans l’âme humaine un principe d’opérations indépendant du corps dans son exercice et par conséquent supérieur à ce que serait une simple forme substantielle, c’est l’intellect. — (Gilson, Espr. philos. médiév., 1931)” ou encore cette pensée : “ L’intellect passif contient en puissance les formes universelles, telles qu’elles existent en acte dans la pensée divine.” Aristote se distingue de la pensée moderne par l’idée que l’intellect capable d’intuition est supérieur à la raison.
Un autre exemple avec Averroès :” L’intellect n’est pas encore la pensée ni l’activité de penser, mais la fonction qui produit les formes intelligibles, les entités abstraites (dont theos – le divin) requises à l’exercice de la pensée : elle permet la saisie de l’intelligible, du pensable, comme la lumière permet la saisie du visible, du perçu.”
Tout ça pour exprimer une chose simple : il y a, bien sûr, en chacun de nous une faculté Intellectuelle supérieure à celle de l’animal. Elle peut être utilisée pour tout ce qui procède de la raison, certes ; c’est d’ailleurs la seule application que lui reconnaît le monde moderne. Or au-delà de cette fonction purement utilitaire et matérielle, l’intellect humain est potentiellement qualifié pour communiquer directement avec “l’intellect divin” ou, en d’autres termes, à se mettre en résonance avec “l’ordre naturel” et par suite, à Connaître l’esprit des choses simples. J’emploie ici le mot “esprit” dans le sens de ce qui se cache derrière les apparences, l’essence ou la cause invisible et immatérielle de toutes choses.
Cet “esprit des choses simples”, quand il se manifeste dans l’homme, et qu’il s’accompagne le plus souvent de joie, d’amour ou de beauté n’a évidemment pas totalement disparu. Il ne faut pas exagérer, l’humanité n’est quand même pas entièrement retournée dans la jungle (même si parfois ça y ressemble). Cependant les sociétés modernes répandues sur la planète sont manifestement égarées dans bien d’autres préoccupations. Au niveau individuel, la plupart des gens ne sont pas entièrement dupes, il savent par expérience quelles sont les valeurs qui rendent véritablement heureux. Mais cela reste enfoui dans l’inconscient, masqué par une course-poursuite derrière les satisfactions artificielles d’une société devenue, à bien des égards, infantile, ignorante et irresponsable.
Cependant il ne s’agit pas ici de tout dénigrer sans discernement. N’en déplaise aux esprits chagrins, critiques et polémistes qui voient le mal partout, l’être humain reste par nature un être merveilleux et fabuleux. Ce sont les coutumes et habitudes sociales qui peuvent l’égarer. Bien d’autres que moi ont depuis longtemps défendu ce point de vue, Jean-Jacques Rousseau par exemple. Les êtres humains sont potentiellement parfaitement équipés pour vivre de façon pleinement épanouie ; il suffirait d’un contexte social conforme à leur raison d’être ; conforme ou du moins pas trop éloigné. Il y a sans doute de très nombreuses possibilités d’adaptation de cette conformité à une société quelconque. Il suffirait simplement de réfléchir en ce sens. Ce n’est certes pas encore à l’ordre du jour mais ça pourrait venir plus vite qu’on l’imagine. Ce n’est pas faire preuve d’angélisme que d’envisager la possibilité d’un sursaut de conscience de l’humanité à un moment particulier de son histoire susceptible de le favoriser. En raison par cette pandémie aux conséquences multiples, toute la planète est mobilisée en même temps et regarde dans la même direction. C’est inédit et il est probable que bien des choses vont changer. Le meilleur et le pire font partie des hypothèses ; rien interdit d’envisager le meilleur.
Si les choses vont dans la bonne direction, on retrouvera et on exploitera des principes universels qu’on ne peut pas ignorer. Par exemple, on sait que de façon générale, ce qui rassemble est bon et ce qui divise est mauvais. Pour s’en convaincre il suffit de réaliser comment l’enthousiasme a rassemblé les hommes autour de grands projets tels que la construction de cathédrales ou de la Tour Eiffel ou même d’être allé sur la Lune et voir ce qu’il en est advenu ; de même, comment ne pas voir les horribles méfaits des frontières, des statuts sociaux et autres catégorisations divisantes, sources de conflits. Une société normale respecterait ce genre de principe qui devrait tomber sous le sens naturellement, sans même avoir besoin de réfléchir. A partir du moment où l’on a réalisé que tout est Un et interdépendant, ce qui divise ou qui sépare est forcément un contre nature. Mais cette unicité de tout ce qui existe constitue un autre grand principe de l’ordre naturel dont l’oubli entraîne toutes sortes de confusions ; on en vient à des illusions de séparativité, un peu comme si ma main gauche se sentait rigoureusement étrangère à ma main droite.
Aujourd’hui il est évident que l’humanité est dans son ensemble configurée de façon anormale et constitue une véritable anomalie au regard de l’ordre naturel. Comme je l’ai souvent exprimé cela ne peut pas durer toujours ; l’ordre naturel tolère les anomalies, mais jusqu’à une certaine limite. Quand trop c’est trop, il faudra bien que ce qui est à l’envers soit remis à l’endroit ; un iceberg se retourne brusquement quand, après des siècles d’existence, le haut est devenu plus lourd que le bas. Et ceci de gré ou de force. Si c’est de bon gré, les générations futures réaliseront une progressive restauration de la normalité, si c’est de force, ce sera tout simplement cataclysmique.
On sait bien que ces divisions contre nature ne sont pas d’aujourd’hui et prolifèrent depuis la préhistoire. On pourrait alors se demander en quoi les sociétés actuelles sont sur le point de franchir le seuil de tolérance. Plusieurs remarques peuvent être apportées à ce sujet. La première consiste à réaliser que quelques millénaires représentent bien peu de chose par rapport à l’existence de l’humanité. On remarquera ensuite que les sociétés traditionnelles ont progressivement disparu ; je veux parler de ces sociétés qui faisaient constamment référence à l’invisible dans leur quotidien par l’intermédiaire de religions et de coutumes. Même si au cours des siècles ces religions se sont le plus souvent égarées en superstitions et bondieuseries accessoires, il n’en reste pas moins qu’elles ont permis de maintenir tant bien que mal une relation indispensable entre l’intellect humain et l’Intellect Universel.
Le scientisme moderne a coupé radicalement l’être de sa raison d’être. Je rappelle à cette occasion que le mot univers, du latin uni-versus, qui signifie “vers le UN”, représente cette idée selon laquelle l’être humain qui est le seul être à concevoir le Tout, est censé éveiller sa conscience vers cette unité et la Présence invisible d’un Ordre naturel. Si l’être humain dispose de cette capacité c’est sans doute pour s’en servir, et s’il ne le fait pas c’est qu’il renie sa propre raison d’être. Le monde scientifique a ses vertus, mais il ne les a pas toutes ; il est qualifié dans le monde physique uniquement. Dans le monde métaphysique, monde des causes en amont du monde physique, des notions comme le hasard ou l’aléatoire sont rigoureusement absurdes. Mais, même si ce qui se trame en arrière-plan est le plus souvent inaccessible et impénétrable, ce n’est pas une raison suffisante pour l’ignorer et se couper intellectuellement du monde essentiel dont tout dépend.
Comme nous venons de le voir l’absence de spiritualité constitue une transgression fondamentale pour l’être humain. Les communications qui se sont facilitées sur toute la planète ont répandu partout un esprit anti traditionnel. Les religions se sont appauvries dans tous les sens du terme ; elles se sont souvent empoussiérées ou déformées au point d’être rejetées purement et simplement. Mais le plus grave c’est que c’est la spiritualité elle-même qui s’est trouvé rejetée par la même occasion. Or ce n’est pas la même chose, la religion est un moyen, un outil de liaison parmi d’autres, la spiritualité c’est la relation elle-même entre l’être et sa réalité immatérielle et profonde.
André Malraux, ce ministre de De Gaulle, avait eu cette pensée devenue célèbre à l’époque et qui peut sembler prophétique aujourd’hui :” le 21e siècle sera spirituel (ou mystique) ou ne sera pas”. Bien d’autres ont également perçu le glissement de notre société vers une issue de ce genre. Ces 10 dernières années en particulier sont éloquentes. Sans entrer dans des détails qui devraient être évidents pour tout individu doué de simple raison, on assiste à une montée généralisée de mal-être qui se cherche toutes sortes de justifications extérieures. Or, ce faisant, on se trompe d’ennemi, le mal n’est pas dehors il est dedans. Pourtant, quand l’absence de spiritualité débouche sur un mal-être, ce serait plutôt bon signe, mais encore faudrait-il le réaliser et comprendre le signal…
En conclusion de cet article sur l’éventualité d’une future révolution intellectuelle, nous ne pouvons évidemment pas prophétiser à propos du “quand” et du “comment” ; il y a beaucoup trop de paramètres et d’inconnues. Que ce soit pour bientôt ou dans un avenir lointain, que ce soit lentement et progressivement ou que ce soit brusquement et rapidement, chacun est libre de se faire son opinion (et même d’en changer). Cependant, il est bon de considérer tout de suite qu’il s’agit là du sens de l’histoire et que nous allons dans cette direction de toute façon.
C’est pourquoi, à l’occasion de ce signal manifeste que reçoit l’humanité dans son ensemble, il serait peut-être bon d’en profiter pour choisir son camp. Je veux dire par là, choisir de se préparer et se mobiliser pour détruire ou pour construire. Les deux sont valides et complémentaires, elles participent au même objectif de changement. Cependant les artisans des forces destructrices sont déjà bien implantées et à l’oeuvre depuis longtemps. Il n’est peut-être pas indispensable d’en rajouter ni de s’associer aux clameurs ambiantes comme des machines déréglées qui répètent sans fin le rejet de la société actuelle, ou qui plaident en faveur de pseudo-solutions héritées du passé, qui sont précisément en partie responsables du monde d’aujourd’hui.
“ On ne met pas le vin nouveau dans de vieilles outres…” disait Jésus. La révolution intellectuelle qui participera à la restauration d’une société normale ne pourra s’appuyer que sur des idées nouvelles. Ces idées seront appropriées au monde à venir, certes, mais aussi ce seront des idées nouvelles en tous points conformes aux exigences des principes fondamentaux et éternels de l’ordre naturel. Parmi ces principes, présidera de toute évidence ce qui fait de l’être humain un être particulier ; un être d’Amour capable de communiquer avec l’invisible et de converser avec les dieux.
Pour terminer, et c’est là l’objectif de tout mon discours, je m’adresse à vous toutes et à vous tous qui vous êtes donné pour mission d’accompagner les autres, pour vous dire que votre responsabilité a pris désormais une importance déterminante. Souvenons-nous de cette phrase de Confucius : “ plutôt que maudire l’obscurité, mieux vaut allumer une chandelle “. Ceux qui maudissent l’obscurité sont suffisamment nombreux, ils n’ont pas besoin de vous ; d’ailleurs, ils finiront sans doute par se dévorer entre eux. Par contre il faudrait que celles et ceux qui sont susceptibles d’allumer ici et là une chandelle s’y mettent sans tarder et avec enthousiasme. L’humanité titube dans l’obscurité, les générations futures ont besoin d’un peu de lumière. C’est votre rôle, c’est notre fonction de leur apporter ce que nous pouvons. Nous ne sommes ni des Gurus ni des professeurs Nimbus, nous sommes des gens simples. À ce titre nous sommes parfaitement qualifiés pour transmettre des choses aussi simples qu’ essentielles. Il est grand temps de stimuler ce qui fait de l’être humain un être remarquable, il est grand temps que se répande enfin une influence de simple bon sens, orientée sur ce qui procure Joie, Amour et Espérance.